Le génie de la lampe (esquisse des règles du jeu)
Installation vidéo
26min
HD
2022
(Lien de visionnage sur demande)
Dans une lieu en ruine, un génie prisonnier de sa lampe se libère. Animaux, plantes et humains en sont les témoins anonymes.
Co-production : LLUM et le Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière.
Soutenu par la DRAC Nouvelle-Aquitaine et la Région Nouvelle-Aquitaine
Film présenté à l’occasion de l’exposition « Lignes de fuites » (Juillet-novembre 2022)
Exposition collective au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière. Avec Michel Blazy, Mohamed Bourouissa,
Zac Langdon-Pole, Richard Long, Isa Melsheimer, Nadia Myre, Mathieu Pernot et Lois Weinberger.
>> Dossier de presse <<
(c) Aurélien Mole 2022
Question posée par Alexandra McIntosh, directrice du Centre international d’art et du paysage de Vassivière, à propos du film.
Alexandra McIntosh : Un génie est un esprit puissant, ni une force pour le bien ni pour le mal, mais avec la capacité des deux. Dans votre film « Le génie de la lampe », un violoniste hante les intérieurs décrépits et les épaisses forêts du Chammet en jouant un chant funèbre. Pouvez-vous nous parler de ce génie, est-il bienveillant ?
Clément Villiers : Bonne question… difficile à dire. Peut-être qu’il faut revenir au conte du « Pêcheur et du génie » pour y répondre. Dans Les Mille et une nuits, Shéhérazade raconte l’histoire d’un pêcheur qui trouve une lampe en relevant ses filets, et dans laquelle un génie se trouvait enfermé. Bizarrement, le génie ne récompense pas le pêcheur de l’avoir libéré et ne lui propose pas d’exaucer ses vœux, pire encore, il envisage de le tuer sur le champ. Le pêcheur lui demande alors pourquoi faire preuve d’une telle cruauté envers lui… La réponse du génie est particulièrement intéressante :
« Durant le premier siècle de ma prison, je jurai que si quelqu’un me délivrait de ma lampe avant les cent ans achevés, je le rendrais riche, même après sa mort. Mais le siècle s’écoula, et personne ne me rendit ce bon service. Pendant le second siècle, je fis serment d’ouvrir tous les trésors de la terre à quiconque me mettrait en liberté ; mais je ne fus pas plus heureux. Dans le troisième, je promis de faire puissant monarque mon libérateur, d’être toujours près de lui en esprit, et de lui accorder chaque jour trois demandes, de quelque nature qu’elles pussent être ; mais ce siècle se passa comme les deux autres, et je demeurai toujours dans le même état. Enfin, chagrin, ou plutôt enragé de me voir prisonnier si longtemps, je jurai que si quelqu’un me délivrait dans la suite, je le tuerais impitoyablement et ne lui accorderais point d’autre grâce que de lui laisser le choix du genre de mort dont il voudrait que je le fisse mourir. C’est pourquoi, puisque tu es venu ici aujourd’hui, et que tu m’as délivré, choisis comment tu veux que je te tue. »
Ce que nous apprend ce conte je crois, c’est que la bienveillance du génie ne dépend pas du fait qu’il soit libéré ou non, mais de la durée de son emprisonnement. Peut-être que la question du bien et du mal pourrait se reformuler en terme de circulation ou non de l’énergie. Si une énergie circule, du plus sombre au plus lumineux, du plus petit au plus vaste, alors, il me semble que cette énergie est vivante et possède toutes les qualités pour faire le choix de la bienveillance. En revanche si une énergie est sciemment coupée du reste du monde, mise à l’écart, enfermée, et ce sans limite de durée, alors cette énergie devient démesurément mauvaise, et puisqu’elle ne peut se réinventer, elle s’abîme... dans tous les sens du terme. Plus cette énergie devient sombre, plus elle est effrayante, et moins on veut/peut la libérer. Au final, c’est comme si une polarité unique se créait, un trou noir qui avalerait tout. Voilà pourquoi, il ne faut pas trop tarder pour libérer un génie prisonnier de sa lampe. Enfin… l’idéal est de le faire un peu attendre, juste assez pour qu’il s’ennuie un peu ! Mais pas trop.